Le naufragé

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Nous étions quinze sur le coffre du mort…
Yo-ho-ho ! et une bouteille de rhum !

Par le Capitaine Flint, pourquoi ai-je cette chanson dans la tête ?

« Je suis vivant ? » est l’unique pensée qui m’ait traversé l’esprit à mon réveil sur cette plage. La tempête avait duré trois jours et foi de boucanier, elle était l’œuvre du diable en personne. Mon navire balloté par les bourrasques, telle une coquille de noix, avait perdu son grand mât au cours du deuxième jour et lors de ce fâcheux épisode, une vague scélérate avait envoyé par-dessus bord une partie de mon équipage. Le partage n’en sera que plus facile, avais-je pensé sur l’instant. Je devais ma survie à la barre à laquelle je m’étais ficelé pour combattre les frasques de Poséidon. Aujourd’hui, mon fier galion, prunelle de mon œil et son butin durement gagné au cours de ces six derniers mois de pillage ornaient le fond de l’océan pour l’éternité.

Dans un ciel sans nuages, le soleil à son zénith m’écrasait de ses rayons et je louais la mer de me rendre prestement mon tricorne. Dans mon malheur, une botte me fut arrachée par quelques viles sirènes, rendant ma démarche clopinante et je me sentis nu sans mon fidèle coutelas déserteur de son fourreau.

Sans attendre, j’entrepris le tour de l’ile et dénicha parmi les débris échoués, un morceau de gaffe qui fera bien l’affaire en cas de rencontre impromptue. Faute de rhum, il était urgent que je trouve un peu d’eau douce pour étancher ma soif et enlever ce sel trop présent dans ma gorge. Éole avait peut-être eu l’obligeance de ramener sur le rivage quelques tonneaux de vivre présents dans mes cales.

J’estimais que cette visite ne prendrait que deux jours, en évitant par prudence, l’ancien volcan visible au nord, dont je ne souhaitais pas réveiller l’appétit. Longeant la lisière pour me protéger des rayons assassins, je marchais d’un pas lourd sous le regard curieux des capucins et des aras multicolores qui dénonçaient ma présence intrusive dans des cris incessants. Quant au détour d’une crique, une trouée dans la végétation attira mon attention. À mon approche, je vis entremêlé dans les lianes, la hampe d’une lance faite d’un bois sombre finement sculptée ; à son sommet, une longue pointe de fer rongée par la rouille traversait de part en part un crâne humain. Mon instinct de vieux flibustier se mit en alerte, mais il en fallait plus pour m’effrayer. Toujours en quête d’aventure et de trésor caché, la curiosité me poussa à emprunter le chemin s’enfonçant dans les profondeurs de la jungle. Ce ne serait pas la première fois que je tirai le diable par la queue.

Au bout d’un demi-mile, je débouchai dans une clairière, sans nul doute, aménagée par l’homme. Au fond trônait un autel en pierre à l’effigie d’un dieu païen, à ses côtés, des lances formant trépied chapeautées de crânes ; en son centre, un feu de camp d’une taille démesurée encore fumant. Le sol était jonché d’ossements dont j’identifiais l’origine sans peine. Quand le son lourd d’un tambour résonna dans l’air. Je compris que je devais fuir cet endroit au plus vite, cette ile même ! Cette mélopée semblait venir des profondeurs de la terre et effraya la faune présente à des lieues à la ronde, il était peut-être déjà trop tard

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