L’envie

Temps de lecture : 2 minutes

 Pour la première fois depuis des siècles, je fus délicieusement surpris par le sentiment de liberté procuré par ce nouveau corps. Dès les premières lueurs de l’aube, je partis flâner dans le parc de la tête d’Or. J’aime cet écrin de verdure qui a su garder son charme tout au long de ces deux siècles d’existence. L’automne a toujours eu ma préférence, ce moment enchanteur où les feuilles des arbres commencent à jaunir apporte une touche supplémentaire de couleur invitant à la contemplation. Au fil de la journée, les fragrances d’humus ravivaient les souvenirs d’un lointain passé de cavalcades dans les grandes forêts des régions du nord.

Sous mes yeux, la faune qui s’agitait excitait mes sens, certains se préparaient au départ, d’autres aux dangers de l’hiver. La promesse d’un bel été indien se dévoilait. Dans quelques heures, le soleil à son zénith réchaufferait ma carcasse mollement affalée face au lac. Tout allait pour le mieux et je pensais jouir de ce spectacle en attendant le prochain cycle. Quant à quelques mètres, une jeune créature à la crinière fauve et révoltée apparut dans mon champ de vision. Sans que je sache pourquoi, mon esprit s’émerveilla à la vue de sa démarche féline, souple et généreuse, me rappelant celle d’une lionne. Ses yeux émeraude remplis de tristesse me touchèrent en plein cœur, m’incitèrent au voyage, exaltant une envie de tendresse, une faim de caresse, de jeu de langues, quelque chose de doux et de chaud. À cet instant, quel qu’en soi le prix, nous devions faire connaissance, j’eus le besoin impérieux qu’elle devienne mienne, d’être son esclave, d’unir nos âmes et de me prélasser dans sa couche.

Sans attendre, je me levai et la rejoignis d’un pas tranquille, je déployai tous mes charmes, mis en évidence mes yeux d’ange pour lui confirmer qu’elle pourra profiter de moi sans retenue. Elle me vit et un sourire radieux vint éclairer son visage. La moitié du chemin était accompli, ma toile prête à l’accueillir. Quand nos regards se croisèrent, elle me tendit une main fine et délicate.

— Bonjour petit chat, que fais-tu tout seul au milieu du parc ?

Était-ce l’exaltation des sens de mon hôte, les miens ou la symbiose des deux qui ont façonné cet instant magique, je ne le saurais jamais. Ma quête fit une pause dans cette seconde d’éternité, nous unissant pour une vie.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *