Tempus Machina

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Le grenier de la maison familiale regorgeait de vieilleries entreposées par cinq générations de Castel. Un temple sacré des souvenirs de nos anciens que l’on osait toucher de peur de les perdre dans nos cœurs.
Ce jour-là, une envie irrépressible me poussa à fouiller la vieille malle remplie de mes jouets d’enfant. Au vu de sa taille, mon œil d’adulte décela rapidement un problème, l’intérieur était sensiblement plus petit que son volume extérieur. Fascinée par ce mystère, mon âme de gosse entra en action avec une excitation que je n’avais pas connue depuis bien des années. Je vidai celle-ci et trouvai rapidement le compartiment caché. Au fond, deux enveloppes et un objet semblant m’attendre depuis des années. Il ressemblait à un plateau de jeu très ancien fait d’un bois épais et sombre couvert de dorures. De part et d’autre étaient incrustées deux plaques de cuivre en forme d’une main, au centre, de petits cadrans marquant le temps. Je saisis la lettre et hoqueta de stupeur quand je vis mon nom en entête. Cette écriture, je l’aurais reconnue entre mille. Sans attendre, je l’ouvris le cœur battant.

Mon Élisabeth chérie,

Si tu lis cette lettre, c’est que je ne suis plus de ce monde. À mon tour, je te lègue cette machine présente dans notre famille depuis la nuit des temps. Personne ne sait qui l’a conçu ni comment elle continue à fonctionner après toutes ces années. Elle te donnera la possibilité d’un unique voyage dans le temps, fais-en bon usage en choisissant ta destination.

Ta maman qui t’aime.

L’autre enveloppe contenait la notice d’utilisation de la machine nommée : Tempus machina
Indiquer la date de destination sur les cadrans, puis apposer vos deux mains sur les plaques en cuivre prévues à cet effet. Attendre 5 secondes, les yeux fermés. Pour le retour, poser de nouveau vos mains comme définies ci-dessus. La machine vous renverra automatiquement à votre point de départ.

Ces dernières années, éloignée par la vie, je n’avais pas pris le temps de rendre visite à ma mère, n’imaginant pas une seconde que cette femme admirable pouvait disparaitre. Son décès, trois semaines auparavant, m’avait laissé un grand vide dans la poitrine avec un profond regret d’avoir été absente lors de son dernier souffle. À cette seconde, une chance unique se présentait à moi pour combler ce manque. Il n’y avait pas à hésiter.

À mon entrée dans la cuisine, ma mère à peine surprise me sourit. Mon émotion était si forte que les mots me manquèrent. Quand de grosses larmes vinrent couler sur mes joues, elle me prit dans ses bras en me chuchotant à l’oreille.

— Tout va bien se passer, ne t’inquiète pas.
— Mais tu… m’exclamé-je en ouvrant de grands yeux.
— Chut, pas un mot, rien ne doit changer. Je suis prête, et puis je suis si heureuse de te voir, profitons de ce moment.

Nous passâmes la journée à évoquer les moments perdus de nos dernières années, essayant à tout prix de rattraper le temps perdu. Je vidai mon cœur pour remplir le sien, comme elle l’avait fait toutes les années où elle m’avait élevé avec tout son amour. L’heure avançait et les yeux rivés sur l’horloge, j’eus l’espoir de l’accompagner jusqu’à son dernier souffle. Mais elle m’en dissuada avec des mots tendres.

— Non ma chérie, mon esprit est en paix, me dit-elle en me caressant la joue, tu dois repartir, plus tu attendras, plus tu risques de mettre ton avenir en péril, crois-moi sur parole.
— Je t’aime, maman.
— Je t’aime, Elizabeth.

Cet instant magique resta un souvenir impérissable et guida mes actions le reste de mon existence. À l’aube de ma vie, je lèguerai ce magnifique cadeau à ma fille avec dans mon cœur, l’espoir d’une visite.

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